Un enfant
Hé le Roussot !
Un autre enfant
Par ici, le Roussot...
La ROUSSOTTE,
venant agacer son frère
Hé le Roussot !
Les ENFANTS
Casse-cou.
Le ROUSSOT,
saisissant la Roussotte.
C’est ma sœur.
LES ENFANTS
T’es prise, la Roussotte... C’est toi qui
y es... c’est toi.
LA ROUSSOTTE
Je veux pas, moi, je veux pas.
LES ENFANTS
voulant lui mettre le bandeau.
C’est à toi... c’est à toi...
(musique militaire en dehors)
Des soldats!... des soldats ! allons voir
les soldats!
Ils sortent en courant
! Parait le père Savarin - Il les regarde sortir.
SCÈNE II
SAVARIN,
seul.
Sont-ils gentils, hein ? Et ce n’est rien
ça ! Si vous les aviez vus débarbouillés... Il n’y
a pas un autre père nourricier qui pourrait montrer des enfants
pareils.
COUPLETS
I
Sont-ils gentils, ces petits mioches,
Sont-ils gentils, sont-ils mignons,
Je les abreuve de taloches,
Et je les gave de bonbons,
Fruits de transports illégitimes.
Une faut’ leur donna le jour,
Du préjugé tristes victimes,
Tous ces amours d’enfants sont enfants
de l’amour !
II
Et cependant, chose authentique,
Les enfants nés légalement,
N’ont jamais eu qu’un père unique,
Du moins le code le prétend,
Tandis que les miens, plus prospères.
Reçoivent parfois en un jour
La visite de plusieurs pères.
Tous ces amours d’enfants sont enfants
de l’amour !
C’est ma spécialité, je suis
connu pour ça dans le pays... Quand on voit arriver quelqu’un avec
un enfant qui n’est pas régulier... on lui dit : allez là...
Et c’est amusant, à chaque instant il nous arrive des dames qui
ont de grands voiles ou des messieurs qui se cachent le nez dans le collet
de leur paletot... Ça me distrait... ça m’amuse, voyez plutôt...
Entre Dubois-Toupet le
nez dans son paletot.
Il tient à la main deux ballons
d’enfants,
des cahiers d’images et des sacs de
bonbons.
SCÈNE III
SAVARIN, DUBOIS-TOUPET
SAVARIN,
reconnaissant Dubois-Toupet.
Monsieur le comte...
DUBOIS-TOUPET
Bonjour, père Savarin.
SAVARIN,
à part.
Le père des deux qui ont les cheveux
rouges...
DUBOIS-TOUPET
Et les enfants ?
SAVARIN
Je m’en vas les chercher, les enfants.
Ils viennent de courir après le régiment qui passait... Il
est comme ça le Roussot, dès qu’il entend la musique du régiment...
et ça ne m’étonne pas.. . parce qu’enfin. . . je ne
demande pas les secrets de Monsieur... mais on voit bien que Monsieur est
militaire.
DUBOIS-TOUPET
Écoutez-moi, père Savarin.
SAVARIN
J’écoute, Monsieur... (voyant
que Dubois-Toupet ne parle pas) Monsieur parait ému...
DUBOIS-TOUPET
Oui, mais ça ne fait rien... Il
ne faut pas plus d’une heure, n’est-ce pas ? pour aller d’ici au Havre,
à l’endroit où l’on s’embarque sur le Transatlantique ?
SAVARIN
Faut une heure, une toute petite heure.
DUBOIS-TOUPET
C’est bien... Dans un instant, il viendra
ici une dame.
SAVARIN
Leur marraine ?...
DUBOIS-TOUPET
Oui... Vous aurez soin, quand elle sera
arrivée, que l’on nous laisse seuls et qu’on ne nous dérange
pas.
SAVARIN
Soyez tranquille.
DUBOIS-TOUPET
C’est bien... Allez, maintenant. Allez
me chercher les enfants et amenez les moi.
SAVARIN
Oui, monsieur le comte.
Il sort
SCÈNE IV
DUBOIS-TOUPET,
seul.
Viendra - t’elle ?... Une lettre que je
lui ai fait remettre par une main sûre, lui a fait savoir que je
l’attendais.. elle va venir !... Quels souvenirs !... Il y a neuf ans de
cela... son mari était alors capitaine de vaisseau, maintenant il
est amiral... Je l’avais rencontré... non, j’avais rencontré
sa femme, une Anglaise adorable, une Anglaise délicieuse, à
Brest, dans un bal chez le préfet maritime. Il n’y était
pas, lui, il était en mer...
Je l’aimai, sa femme, dès que je
la vis.. . Quant à elle, elle ne tarda pas à céder
à l’influence que, nous autres joueurs, nous exerçons sur
les femmes... ai -je dit que j’étais joueur ?... Je le suis, je
le suis comme les cartes !... Il se passait entre elle et moi quelque chose
de bizarre, je sentais qu’elle m’aimait, qu’elle m’aimait à la folie...
Et cependant, au risque de me désespérer, elle me résistait...
« Il est trop loin, » me disait-elle, « il est
trop loin ! Qui sait combien de temps s’écoulera avant qu’il revienne
!.. » Je fus longtemps avant de comprendre l’exquise délicatesse
qui la faisait parler ainsi... A la fin je compris, et je chargeai un employé
du sémaphore de me faire savoir quand le Foudroyant devait arriver.
Il était à bord du Foudroyant, Quelques jours se passèrent...
rien ! Enfin, je reçus la nouvelle que j’attendais avec tant d’impatience...
Je courus immédiatement chez elle... Et, pâle, éperdu,
pouvant à peine parler : Le Foudroyant ! me contentai-je de lui
dire... Le Foudroyant ! Elle tomba dans mes bras... Le lendemain, pas de
Foudroyant !... Il y avait eu une tempête effroyable, et le Foudroyant
avait fait naufrage, l’équipage tout entier avait été
sauvé à l’exception du capitaine... Il avait quitté
son navire le dernier, on l’avait vu flottant sur une épave, et
l’on ne savait pas ce qu’il était devenu... Au bout de six semaines,
une dépêche arriva... le capitaine avait été
recueilli par un transatlantique anglais, lequel, n’ayant pas le droit
de s’arrêter, avait poursuivi sa route en emportant le capitaine.
« Perdue ! » s’écria-t-elle, quand cette dépêche
arriva, « perdue, je suis perdue ! » Heureusement, le ciel
eut pitié de nous... « Envoyez-moi chercher, avait écrit
le capitaine... On ne l’envoya pas chercher, on le nomma amiral par le
télégraphe et on l’envoya dans les mers de la Chine. Cette
campagne dura pas mal de temps. Et quand, dix mois après, l’amiral
débarqua à Brest pour tout de bon, sa femme put sans rougir
tomber dans ses bras et le féliciter de son avancement... Il restait
plus trace sur son visage à elle de toutes les émotions qu’elle
avait traversées... rien n’était changé, si ce n’est
que deux enfants, le frère et la sœur, nés le même
jour, à la même heure, avaient été mystérieusement
déposés ici, dans cette ferme, chez le père Savarin.
Entre Savarin amenant
les enfants.
SCÈNE V
DUBOIS-TOUPET, SAVARIN, LE ROUSSOT, LA
ROUSSOTTE.
SAVARIN
Les voilà, les amours.
Les ENFANTS
Bonjour, mon oncle, Bonjour, mon oncle.
DUBOIS-TOUPET
Bonjour, mes enfants... Sapristi ! ils
ne sont pas très propres.
SAVARIN
C’est pas ma faute... Le petit a roulé
dans la poussière en courant après le régiment.. Quant
à la petite, elle est tombée dans la mare aux canards...
mais si vous voulez que je les débarbouille.!.
DUBOIS-TOUPET
Non. Tenez-vous sur votre porte et quand
vous verrez venir cette dame...
SAVARIN
Leur marraine ?...
DUBOIS-TOUPET
Oui... vous m’avertirez... Allez, père
Savarin, allez...
Savarin sort.
SCÈNE VI
DUBOIS-TOUPET, LE ROUSSOT, LA ROUSSOTTE.
DUBOIS-TOUPET
Viens, Édouard.
Il prend le Roussot dans
ses bras,
il le met sur ses genoux.
Le Roussot fouille dans le
gousset de Dubois-Toupet.
LE ROUSSOT
Qu’est-ce que c’est que ça ?
DUBOIS-TOUPET
Tiens... un jeton du cercle... dernier
soldat de ma dernière dérouté.
LE ROUSSOT
Donne-le moi, tonton.
DUBOIS-TOUPET
Tu veux ?
LE ROUSSOT
Oui... je t’en prie...
DUBOIS-TOUPET
Le voilà... et puisse-t-il te donner
la veine que n’a jamais eue ton malheureux pè... (se reprenant)
ton malheureux oncle.
LE ROUSSOT
Merci, tonton.
DUBOIS-TOUPET
Là... mets-le dans ta poche comme
un grand garçon, et garde-le toujours... (à la Roussotte)
Et toi, viens donc que je te regarde.
LA ROUSSOTTE
Me vlà, tonton...
Elle se place devant lui
et avec la main
rejette ses cheveux en arrière.
DUBOIS-TOUPET
Toujours ton petit geste... Est-elle gentille,
hé !... sont-ils gentils tous les deux !...
LA ROUSSOTTE
Qu’est-ce que t’as, tonton ?
DUBOIS-TOUPET
Rien.
Il la met sur ses genoux.
LA ROUSSOTTE
Fais le cheval, dis ?:., tu le fais si
bien le cheval !...
DUBOIS-TOUPET
Ça t’amuse ?...
LA ROUSSOTTE
Oh ! oui... et puis chante... tu sais,
quand tu fais le cheval, il y a une chanson.
DUBOIS-TOUPET,
faisant sauter la Roussotte.
C’est aujourd’hui qu’ la gross’ Germaine
Épouse le fils au pèr’ Canon...
SCÈNE VII
Les mêmes, SAVARIN, LA DAME VOILÉE.
SAVARIN
Entrez, Madame.
Les ENFANTS
Bonjour, marraine, bonjour
LA DAME. VOILÉE,
les embrassant.
Darling ! my dear.
DUBOIS-TOUPET
Là... maintenant, emmenez - les.
Tout à l’heure nous les rappellerons.
SAVARIN
Venez, les p’tiots !
Ils sortent. Les enfants
se disputent parce
que l’un a pris le ballon de l’autre.
SCÈNE VIII
DUBOIS-TOUPET, LA DAME VOILÉE,
LA DAME VOILÉE
Vous m’avez dit de venir, je suis venue,
mais parlez vite, j’ai peur...
DUBOIS-TOUPET
The old gentleman...
LA DAME VOILÉE
L’amiral...
DUBOIS-TOUPET
Où l’avez- vous laissé ?
LA DAME VOILÉE
Dans sa voiture... il dort... le mouvement
de la voiture, ça ne manque jamais... au bout de cinq minutes...
l’amiral s’endort... cinq minutes après,
c’est le tour du cocher... il laisse aller sa tête et les chevaux
s’arrêtent
C’est le moment que j’attendais, quand
j’ai vu que tout le monde était endormi, j’ai ouvert doucement la
portière et je suis venue.
DUBOIS-TOUPET
Et je vous en remercie.
LA DAME VOILÉE
Mais parlez, parlez vite.
DUBOIS-TOUPET
Les journaux ont dû tous apprendre
qu’il m’était arrivé un malheur.
LA DAME VOILÉE
Oui, j’ai vu que vous aviez reçu,
au club, une tape formidable.
DUBOIS-TOUPET
Tout ce qui me restait raflé en
deux séances... soixante mille avant le dîner, quatre-vingt
mille en revenant du spectacle.
LA DAME VOILÉE
C’est une guigne !.
DUBOIS-TOUPET
C’est ma faute, je n’aurais pas dû
m’obstiner à tirer à cinq... Oh ! ce tirage à cinq
!
LA DAME VOILÉE
C’est donc bien terrible ?
DUBOIS-TOUPET
Si c’est terrible ?.. . Demandez-le à
tous ceux qui comme moi en ont été victimes.
COUPLETS
Ainsi que vient l’argent, de même
il faut qu’il parle,
Au jeu du baccarat tout est veine ou guignon,
Les uns sont condamnés parce qu’ils
disent : Carte...
Et les autres le sont, parce qu’ils disent
: Non...
J’avais deux millions, une somme assez
ronde.
Mais le tirage à cinq me l’a prise
en trois mois,
Quand tous jouerez au bac, ô jeunes
gens du monde,
Si vous tirez à cinq, tâchez
de prendre un trois.
LA DAME VOILÉE
Le temps se passe, mon ami, et l’amiral...
DUBOIS-TOUPET
J’arrive au fait... Dès que j’ai
eu perdu tout ce que j’avais, il m’est venu des pensées sérieuses...
j’ai songé à mes enfants...
LA DAME VOILÉE
Brave cœur !
DUBOIS-TOUPET
A nos enfants !
LA DAME VOILÉE
Prenez garde !
DUBOIS-TOUPET
Le tirage à cinq avait dévoré
la fortune que je devais leur laisser... il m’a semblé que mon devoir
était de leur en faire une autre.
LA DAME VOILÉE
Ah ! c’est avec des phrases pareilles que
vous m’avez rendue folle autrefois... continuez...
DUBOIS-TOUPET
Avec les quelques billets de mille francs
qui me restaient, j’ai acheté des caisses d’opium, des armes, des
munitions.
LA DAME VOILÉE,
avec enthousiasme.
Des armes, des munitions !... vous allez
faire du brigandage !
DUBOIS-TOUPET
Non, je vais tout bonnement échanger
tout ça contre des balles de soie...
LA DAME VOILÉE
Ah ! pardon... je croyais...
DUBOIS-TOUPET
Voilà ! et dans une heure, avec
mon opium, mes armes, mes munitions et mes échantillons, je serai
parti pour la Chine. Je vais à Shanghai... c’est à Shanghai
que je vais...
LA DAME VOILÉE
Dans une heure ?
DUBOIS-TOUPET
Oui, et si j’ai tenu à vous voir
avant de partir, c’est que j’avais une question à vous adresser.
LA DAME VOILÉE
Parlez.
DUBOIS-TOUPET
Cette fortune que je vais conquérir
pour nos enfants, voulez-vous venir la conquérir avec moi, voulez-vous
me suivre à Shanghai ?
LA DAME VOILÉE
Écoutez : Dès que vous avez
parlé de votre départ, j’ai compris que vous alliez me demander
de vous suivre... oui, et tout de suite j’ai su ce que j’allai vous répondre,
tout de suite ma résolution a été prise.
DUBOIS-TOUPET
Vous venez ?
LA DAME VOILÉE
Non, je reste,
DUBOIS-TOUPET
C’est bien !
LA DAME VOILÉE
Je me dois à l’amiral... Vous n’ayez
plus rien, vous, tandis que lui, sa fortune est immense.
DUBOIS-TOUPET
C’est vrai !
LA DAME VOILÉE
Cette fortune, qui donc l’administrerait
si je n’étais pas là ?... Il en est incapable, lui... son
intelligence, à la suite de ce séjour trop prolongé
qu’il a fait dans l’eau, le jour du naufrage... son intelligence a subi
des atteintes...
DUBOIS-TOUPET
Pauvre homme !...
LA DAME VOILÉE
Oh ! oui !... Et généreux,
et tout !, Et nous l’avons trompé !
DUBOIS-TOUPET
C’est vrai, mais qu’y faire ?.. . Nous
n’y pouvons rien. .. le passé est le passé.
LA DAME VOILÉE
Oui, mais l’avenir, c’est l’avenir; l’avenir,
c’est l’expiation, c’est pour expier que je veux rester près de
l’amiral.
DUBOIS-TOUPET
Si c’est pour ça, je n’ai rien à
dire... Cependant...
LA DAME VOILÉE
N’insistez pas, mon parti est pris... Pauvre
homme, que deviendrait-il s’il apprenait que je me suis enfuie avec un
amant ! Un pareil changement dans ses habitudes...
DUBOIS-TOUPET
C’est vrai, mais les enfants ?
LA DAME VOILÉE
Je veillerai sur eux pendant que vous serez
là-bas.
DUBOIS-TOUPET
Vous me le promettez ?
LA DAME VOILÉE
Je vous le jure... Tous les jours, je viendrai
les voir, leur parler de leur oncle. Oui, je le ferai, à quelque
danger que cela puisse m’exposer...
DUBOIS-TOUPET
Des dangers ? Aurait-il des soupçons
?
LA DAME VOILÉE
Non, je ne crois pas, et cependant...
DUBOIS-TOUPET
Cependant ?...
LA DAME VOILÉE
L’autre jour, après sa demi-heure
de sommeil, l’idée lui vint de faire un tour à pied. Il prit
mon bras. Tout à coup, au détour d’un chemin... je crus que
j’allais mourir... Les enfants...
DUBOIS-TOUPET
Les enfants ?...
LA DAME VOILÉE
Ils étaient là en face de
nous.
DUBOIS-TOUPET
Ils vous ont reconnue ?
LA DAME TOILÉE
Non, grâce à l’habitude que
j’ai prise de ne jamais venir ici sans être voilée. Ils ne
m’ont pas reconnue, mais ça ne fait rien, ils m’ont regardé.
Et l’amiral aussi les regardait. Et, en les regardant, il avait l’air en
proie à je ne sais quels sentiments... Enfin, après un moment
de silence : « Mon Dieu, que ces enfants sont vilains ! »
s’est écrié l’amiral.
DUBOIS-TOUPET
Il a dit ça ?
LA DAME VOILÉE
Oui... Ça m’a rassurée.
DUBOIS-TOUPET
A la bonne heure... Mais il est encore
bon, l’amiral, de critiquer les enfants des autres.
On entend des cris dans
la coulisse.
LA ROUSSOTTE,
au dehors.
Tonton, tonton !
LA DAME VOILÉE
Qu’est-ce que c’est que ça ?...
Qu’est-ce qui se passe ?
Entre la Roussette.
SCÈNE IX
Les mêmes, LA ROUSSOTTE.
LA ROUSSOTTE
Viens, tonton, viens vite... viens me faire
rendre mon ballon, on me l’a pris.
DUBOIS-TOUPET
Qui ça ?
LA ROUSSOTTE
Un vieux monsieur qui dormait dans une
voiture.
LA DAME VOILÉE
Ah !
LA ROUSSOTTE
Ce n’est pas ma faute, à moi, je
jouais avec mon ballon sur la route, mon ballon est allé tomber
sur le nez du vieux monsieur...
LA DAME VOILÉE
à Dubois-Toupet
La Providence ?...
LA ROUSSOTTE
Le vieux monsieur s’est réveillé...
LA DAME VOILÉE
Mon Dieu ! que vais-je lui dire ? Comment
expliquer mon absence ?
LA ROUSSOTTE
Moi, je lui disais : Rendez-moi mon ballon,
mais il ne voulait pas. Il avait mis mon ballon sous son bras et il disait
: Madame l’amirale ? où est madame l’amirale ?
DUBOIS-TOUPET,
à la dame voilée qui
est sur
le point de se trouver mal.
Eh bien ?... Eh bien ?
LA DAME VOILÉE
Je suis perdue ! (on entend la musique
militaire.) Non, je suis sauvée ! Je lui dirai que si j’ai quitté
la voiture, c’était pour aller voir passer les militaires, good-bye
!
DUBOIS-TOUPET
Good-bye... my dear...
LA DAME VOILÉE
Pas de ces mots-là maintenant...
Good-bye ! Encore une fois, good-bye !
Elle sort rapidement après
avoir embrassé la Roussotte.
SCÈNE X
Les mêmes, puis SAVARIN.
DUBOIS-TOUPET
Voyons, ne pleure pas, je t’en ferai donner
un autre, de ballon, et un plus beau.
Entre Savarin.
SAVARIN
Il est encore parti, le garnement, dès
qu’il a entend la musique militaire, il s’est sauvé !
DUBOIS-TOUPET
Tâchez de le rattraper, car je pars
dans un quart d’heure, et je voudrais l’embrasser avant de partir.
SAVARIN
Je m’en vas le rattraper.
Il sort.
SCÈNE XI
DUBOIS-TOUPET, LA ROUSSOTTE.
LA ROUSSOTTE
Tu pars, tonton ?
DUBOIS-TOUPET,
ému.
Oui, mon enfant, oui.
LA ROUSSOTTE
Mais tu reviendras ?
DUBOIS-TOUPET
Sans doute, mais peut-être dans bien
longtemps.
LA ROUSSOTTE
Eh bien, fais-moi encore le cheval,..
DUBOIS-TOUPET
Tu veux ?
LA ROUSSOTTE
Je t’en prie...
DUBOIS-TOUPET
Oui ! alors.
Il la prend sur ses genoux
et commence à chanter.
C’est aujourd’hui que la gross’ Germaine
LA ROUSSOTTE
Non, laisse-moi chanter, la chanson, tu
vas voir comme je la sais bien.
DUBOIS-TOUPET
Tu la sais, vraiment ?
LA ROUSSOTTE
Tu vas voir.
La Roussotte est à
cheval sur les genoux
de Dubois-Toupet, et elle chante le
couplet.
C’est aujourd’hui qu’ la gross’ Germaine
Épous’ le fils au père Canon,
Tré, tré, tré, trémousses-vous donc,
Trémoussez-vous donc, ma dondaine,
Tré, tré, tré, trémoussez-vous
donc,
Trémoussez-vous donc,
Ma dondon !
(parlé)
Tu vois comme je la sais bien. Ensemble
maintenant, ensemble. !
Ils reprennent tons deux
la chanson.
Dubois-Toupet faisant cette fois sauter
a Roussette sur ses genoux.
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