J’ n’ai pas d’ ancêtr’s
dans ma famille
Montmartre a vu mes premiers
ans
Je suis tout bonnement la
fille
D’un simple peintre en bâtiments
Quand il v’ nait des clients,
ma mère
M’appelait d’en bas et me
disait :
Amanda, va chercher ton
père.
Il est pour sûr chez
l’ mastroquet
Comm’ la pudeur n’ pouvait
m’ permettre
D’ franchir le seuil des
cabarets
J’appelais papa par la fenêtre
Et du plus loin que j’ le
voyais :
Pi . . . . ouit !
Il n’se l’ faisait
pas dire deux fois
Et je ramenais not’
bourgeois
Tirliquipiton !
Fut ! don ! crie don
!
Les peintr’ s en bâtiments
Allez-y gaiement !
sont des bons enfants
Qu’on se l’ dis’ vit’
!
Pi . . . . ouit !
Quand je fus grande et courtisée
(Plaisir tout le jour attendu)
J’allais le soir à
l’Elysée
Celui d’Montmartr’ bien
entendu !
Comme j’étais des
plus ingambes
J’y pinçais un pas
sans égal
Et j’provoquais par mes
ronds d’jambes
L’émotion du municipal
Mais papa n’aimait pas qu’
sa fille
Risquât des pas si
pleins d’effets
Et souvent au fort du quadrille
J’entendais sa voix qui
m’ criait :
Pi . . . . ouit !
Je n’me l’ faisais
pas dir’ deux fois
Et je rentrais chez
not’ bourgeois
Tirliquipiton !
Fut ! don ! crie don
!
Les peintr’ s en bâtiments
Allez-y gaiement !
sont des bons enfants
Qu’on se l’ dis’ vit
!
Pi . . . . ouit ! |
Il eut raison l’excellent
père
Mais (c’est bien l’effet
du hasard)
V’là qu’ j’épouse
un millionnaire
Un princ’ moscovite, un
boyard !
Le soir, l’heure où
l’cœur s’épanche
Il m’emmena chez lui loger
Il ôta sa cravate
blanche
Moi, j’ôtai ma fleur
d’oranger
Tout à coup, d’vant
not’ résidence
J’entends du bruit, qu’est-c’que
c’est qu’çà ?
C’était des bons
amis d’enfance
Qui m’annonçaient
qu’ils étaient là !
Pi . . . . ouit !
Ils répétèr’nt
ce cri deux fois
V’lan ! ça
démonte mon bourgeois
Tirliquipiton !
Fut ! don ! crie don
!
Les peintr’ s en bâtiments
Allez-y gaiement !
sont des bons enfants
Qu’on se l’ dis’ vit
!
Pi . . . . ouit !
Mais le prince avait de la
race
Il se remit de l’incident
Et je l’confesse sans grimace
Nous nous aimâmes….
C’pendant
C’pendant y m’manquait quéqu’chose
Pour que mon bonheur fût
complet….
Quelque chose de blanc,
de rose…
Tout’s les mamans sav’nt
ce que c’est
Cette joie j’brûlais
d’la connaître
J’en voulais presqu’à
mon mari
Quand un jour, là
dans l’fond d’mon être
Je crus entendre’ un petit
cri :
Pi . . . . ouit !
C’était lui
! je r’connus sa voix
C’était mon
nouveau p’tit bourgeois !
Tirliquipiton !
Fut ! don ! crie don
!
Les peintr’ s en bâtiments
Allez-y gaiement !
sont des bons enfants
Qu’on se l’ dis’ vit
!
Pi . . . . ouit ! |